I. CE QUI N'A PAS FONCTIONNE DANS L'EVALUATION


1. Si l'entretien d'évaluation n'a pas changé, le management, lui, a changé.



Le vieux schéma suivant lequel « le supérieur juge le subordonné » pouvait s'appliquer à une époque où le management se concevait sur le seul plan hiérarchique. De nos jours, alors que les équipes comptent plus que les structures, et que le management est fondé sur le respect et l'exemple, il ne reste plus guère de place pour le « jugement ».
Il doit être remplacé par la reconnaissance de la capacité du personnel de l'entreprise. L’entretien doit apporter une aide au collaborateur afin d'analyser ses propres forces, de déterminer les domaines dans lesquels il peut encore s'améliorer, et de fixer des objectifs pour sa collaboration future dans l'entreprise.
Si le manager moderne est mal à l'aise lors des entretiens d'évaluation ou s'il se montre trop généreux en ce qui concerne l'évaluation de ses collègues effectuée à contrecœur, c'est parce que l'ambiance « juge / défendeur » ne correspond plus à des rapports de travail fondés sur le respect mutuel qu'il essaie d'entretenir tout le reste de l'année.


2. Généralement, le supérieur exprime son point de vue sur les performances et les capacités du collaborateur.

Comme il a toujours une vision légèrement différente il en résultera - à moins d'une coïncidence extraordinaire - un désaccord entre le point de vue du supérieur et celui de son collaborateur. Et pourtant, celui-ci ne pourra fonder l'amélioration future de ses performances que sur sa propre vision du passé et du présent.
Si c'est l'opinion du supérieur qui compte vraiment, l'entretien sera inutile et pourra être remplacé par un simple mémo !
Si c'est l'opinion du collaborateur qui est vraiment la plus importante, c'est par ce point que l'entrevue devra commencer... Cela ne veut pas dire que le supérieur ne pourra pas lui aussi faire connaître son avis; c'est une question de priorité.




3. L’évaluation traditionnelle est orientée principalement vers le passé.

Elle évalue les activités passées plutôt que de s'attacher au futur. Elle ne fait pas partie d'un programme continu de fixation d'objectifs, de révision, de motivation ou de développement.
Il n'est pas étonnant, vu la contradiction entre les réalités quotidiennes du travail et ces entretiens d'évaluation isolés et quelquefois désagréables, que les managers y renoncent parfois complètement !
Il est donc nécessaire d'apporter à cet entretien une forme plus productive et davantage orientée vers l'avenir. Cela permet d'assurer la continuité et le développement des rapports sans cesse croissants entre les besoins du collaborateur et ses efforts pour l'entreprise : un entretien d'évolution plutôt qu'un entretien d'évaluation.


4. Lors des entretiens d'évaluation traditionnels, les formulaires d’appréciation jouent généralement un rôle important.
Il arrive souvent que les formulaires imposent la structure de l'entretien. Leur contenu est sujet à discussion, ce qui nuit aux bonnes relations et à la crédibilité du supérieur.
De plus, ils concentrent totalement l'attention sur les impressions du supérieur.
Les formulaires d'appréciation peuvent être utiles comme dossiers pour le « hiérarchique ». Mais tout système d'appréciation reste inutile s'il n'y a pas de véritable entretien.

Comment faut-il alors organiser un « entretien d'évolution » efficace ?





II. L'ENTRETIEN D'EVOLUTION ETAPE PAR ETAPE


Prenons comme exemple une entrevue d'un supérieur avec l'un des collaborateurs de son équipe.

Hypothèses :
- Les fonctions et les responsabilités du collaborateur lui ont été préalablement décrites de façon explicite.
- L’entretien a lieu à l'issue d'une période pour laquelle les objectifs ont été fixés ensemble à l’avance et approuvés par les deux interlocuteurs.


Etape 1 : la félicitation

- Bravo !

Le supérieur commence l'entretien en soulignant un des points les plus positifs de l'activité du collaborateur pendant la période écoulée. (On part du principe que la performance du collaborateur a été satisfaisante.)

La félicitation doit être sincère et porter sur des réussites spécifiques. Elle peut aussi concerner les efforts déployés par le collaborateur et qui n'auront pas forcément donné le résultat espéré.

Cette félicitation encourage et motive le collaborateur.




Etape 2 : le passé et le présent

- Quelles ont été vos meilleures réussites ?

- De quoi êtes-vous particulièrement satisfait ?

- Qu'aimez-vous spécialement faire ?

- A votre avis, quels sont vos points forts ?

Ces questions ouvertes aident le collaborateur à faire ressortir les aspects les plus positifs de ses activités passées et de son comportement.

Les réponses amèneront le collaborateur avec l'aide de son manager à déterminer ses forces et ses motivations.


Etape 3: l'avenir

- Quelles tâches êtes-vous capable de remplir à l'avenir ?

- Dans quels (autres) domaines pouvez-vous améliorer vos performances ?

- Quel(s) objectif(s) vous proposez-vous d'atteindre ?

- Dans quels délais ?

Là aussi, des questions ouvertes aident le collaborateur à déterminer dans quels domaines il peut mettre à profit ses forces et sa motivation pour atteindre de nouveaux objectifs.

Les objectifs doivent être concrets, afin d'éviter toute contestation concernant leur réalisation. Par exemple, « Améliorer mon réseau de vente » n'est pas un objectif mesurable ; aussi le dirigeant devra-t-il poser des questions ouvertes telles que « Comment comptez-vous mesurer vos progrès ? », « Quel niveau vous proposez-vous d'atteindre ? » afin de pouvoir fixer un objectif concret.

Ces objectifs doivent faire l'objet d'un examen en commun : le supérieur doit s'assurer qu'ils sont compatibles avec les objectifs de l'entreprise et encourager le collaborateur à ne pas surestimer - ni sous-estimer - son potentiel, car cela se retournerait contre lui même et contre les intérêts de l'entreprise.

Important : Le supérieur doit répéter à voix haute, puis écrire et faire lire au collaborateur les objectifs fixés. Ce document établi conjointement servira de base pour les entretiens d’évolution futurs et constituera un instrument de contrôle remplaçable.


Résumé des différentes étapes

Etape N°1 : (Passé) : Félicitations

Etape N°2 : (Présent) : Vos points forts

Etape N°3 : (Futur) : Vos possibilités d’amélioration
Que proposez-vous ?
Objectifs concrets mesurables et contrôlables



L’étape obligatoire : la préparation

Les deux interlocuteurs doivent se préparer :

a) Le supérieur :
Le supérieur qui mène l'entretien doit être préparé à fond. Le succès dépendra de sa manière de féliciter le collaborateur, d'utiliser les questions ouvertes et de sa capacité d'écouter. La préparation empêche les éléments récents et d'importance secondaire de venir obscurcir sa vision d'ensemble de la situation.

b) Le collaborateur : Le collaborateur doit lui aussi consacrer du temps à la préparation de l'entretien. Si certaines personnes trouvent plus facile de parler de leurs points forts, d'autres préfèrent s'exprimer sur leurs points faibles; d'autres encore trouvent difficile de parler des deux sans y avoir préalablement réfléchi ! Il en va de même pour ce qui concerne l’identification des points concrets pouvant être améliorés dans le futur : il serait injuste de demander au collaborateur de donner des réponses immédiates et sans réflexion préalable.



Il est possible de distribuer aux collaborateurs un questionnaire avant l'entretien. Vous en trouverez un exemple à la fin de cet article. Il faut adapter les questions aux personnes auxquelles elles seront adressées et à l'entreprise.

Autres questions que le manager peut inclure dans le questionnaire :
- « En tant que supérieur, comment puis-je mieux vous aider à réaliser vos objectifs ? »,
- « Qu'attendez-vous de moi ? ».

La question doit être posée dans les termes adaptés à la personne et aux circonstances. Le fait de bien poser une telle question peut créer une ambiance plus « démocratique » pour l'entretien, et apporter une contribution essentielle à l'amélioration du travail.


Moments critiques

Dans notre description de l'entretien d'évolution, nous avons choisi un scénario simple. Mais que faire si…

1. Le collaborateur oublie de parler de certains succès ?

Dans ce cas, nous devons l'aider. En le félicitant pour certaines réalisations ponctuelles, puis en lui posant des questions ouvertes du style « Pourquoi pensez-vous que vous avez réussi dans ce cas-là ? », nous pouvons l'aider à dégager ses points forts.
Nous ne pouvons pas accepter que l'entretien commence par les points à améliorer simplement parce que le collaborateur oublie ou ne veut pas parler de ses points positifs.



2. Le collaborateur ne parvient pas à dégager une possibilité d'amélioration que son supérieur juge importante ?

S'il n'en prend pas conscience lui-même, il faut le lui dire ! Le dirigeant procède comme suit :

Points à améliorer concrets : Que proposez-vous ?

3. Le collaborateur se fixe des objectifs que le supérieur juge impossibles à atteindre ?

Les deux interlocuteurs ne sont pas d'accord !

Quelle attitude le supérieur peut-il alors avoir ?

a) Le supérieur impose son avis



Peut-être impose-t-il son avis avec de bonnes intentions, pour empêcher le collaborateur de courir à l'échec, à la poursuite d'un rêve impossible.
Inconvénient : démotivation du collaborateur, ce qui provoque sa frustration face à « l’absence de vision prospective » du dirigeant et risque d’aboutir à la démission du collaborateur à la recherche d'un plus grand défi à relever.

b) Le supérieur piège le collaborateur

« Acceptez » son point de vue, laissez-le fixer des objectifs impossibles, et regardez-le échouer : c'est un style de non-direction, qui fonde le faux succès personnel du dirigeant sur le véritable échec personnel de son équipe.
Y a-t-il d'autres attitudes que celles-ci ?
Il y en a deux :

1 . Concilier les deux avis
Le dirigeant explique pourquoi il pense que les objectifs du collaborateur sont trop ambitieux. Parfois, le fait de mettre en avant les difficultés pratiques de l'entreprise peut modérer un objectif trop ambitieux.
D'autres dirigeants admettent la différence de perspectives, puis indiquent le résultat réaliste qu'ils attendent, eux, de leur collaborateur, tout en respectant l'objectif personnel qu'il s'est fixé et qui peut aller plus loin.

2. Accepter le point de vue du collaborateur et l'aider
L’objectif ambitieux est adopté.
Le défi du collaborateur consiste à l'atteindre.
Le défi du dirigeant consiste à aider le collaborateur à réussir en lui donnant les conseils, l'aide ou les ressources dont il a besoin. L’attitude du supérieur est alors : le succès sera votre succès, l'échec sera mon échec.



III. AUTRES APPLICATIONS


Les caractéristiques principales du procédé que nous venons de décrire sont :

- Le supérieur n'a pas une attitude de jugement subjective,

- Le collaborateur est encouragé activement à formuler ses objectifs et ses engagements,

- La motivation du collaborateur est accrue par les félicitations et la participation,

- Il se crée une intégration entre les forces et les ambitions du collaborateur d'une part, et leur application future d'autre part.

Est-il possible d'appliquer ce principe à d'autres formes de réunions ou séances de travail ?

Certainement dans les cas suivants :

1. Dans toute révision (travail, projets, ressources), commencer par les aspects positifs et, à partir de là, établir les possibilités d'amélioration.

2. Questions ouvertes, pour aider les collaborateurs à analyser eux-mêmes la situation.

3. Aider les collaborateurs à formuler eux-mêmes les solutions ou les objectifs !


Tout entretien peut il devenir un entretien d'évolution ? Même une simple conversation téléphonique ?

Vous avez été absent du bureau toute la journée. A la fin de la journée vous téléphonez à la personne qui vous a remplacé. Au lieu de commencer ainsi : « C'est moi, y a-t-il eu des problèmes ? », essayez d'appliquer les trois points ci-dessus ?



IV. ACTION


Le processus expliqué dans cet article n'est pas soumis aux mêmes délais que les « entretiens d'appréciation » qui ont lieu traditionnellement chaque année ! Les dirigeants peuvent organiser avec différentes personnes et à intervalles variables divers types d'entretiens de révision ou de planification tout au long de l'année. Les questions ci-après sont destinées à vous aider à déterminer de quelle manière vous pouvez tirer le plus profit de cet entretien d'évolution.

Question 1

Ecrivez les noms de trois personnes avec lesquelles vous envisagez d'avoir un entretien au sujet de votre travail commun.

Date de l'entretien ?

Quand et comment vous les aiderez à se préparer à l'entretien ?

Quand envisagez-vous le prochain entretien ?



Question 2

Pour vous aider à vous préparer à ces entretiens :

Si l'entretien devait avoir lieu demain, quels sont les points spécifiques des récentes réussites de votre collaborateur que vous choisiriez pour le féliciter ?

Pour chaque collaborateur, donnez un exemple de ce que pourrait être un objectif bien formulé pour une réussite future.


Question 3

Certains éléments de « l’entretien d'évolution » peuvent être appliqués à d'autres séances de travail. Notez une occasion (future réunion) pour laquelle vous mettrez en pratique chacun des points suivants :
- Préparation écrite, en utilisant un schéma que vous aurez fourni
- Les aspects positifs d'abord
- Poser des questions pour encourager l'analyse et les solutions




Exemple de questions pour un entretien d'évolution

Passé

Quelles ont été vos meilleures réussites durant la période écoulée ?

De quoi êtes-vous particulièrement satisfait ?

Bravo - Félicitations - Souligner le positif.


Présent

Quels sont vos points forts ? Dans quels domaines ?

Qu'aimez-vous spécialement faire ?

Parler de faits concrets concernant ses tâches.



Futur

Compte tenu de ce qui précède, où voyez-vous encore des possibilités d'amélioration ?

Dans quel(s) autre(s) domaine(s) pouvez-vous encore améliorer vos performances ?

Quel(s) objectif(s) vous proposez-vous d'atteindre dans ces conditions ?

Dans quels délais atteindrez-vous cet (ces) objectif(s) ?

Aider le collaborateur à concrétiser ses objectifs (mesurables et contrôlables).

Etablir en commun et par écrit les objectifs concrets.