Au mois d'avril 2010, un téléconseiller syndicaliste du centre d'appels téléphoniques, Téléperformance, à Bordeaux, avait protesté à sa façon contre la difficulté de faire une pause-pipi.
La direction de Téléperformance, le leader mondial des centres d'appels lui avait alors infligé un avertissement : elle lui reprochait d'avoir utilisé ses heures de délégation syndicale pour « aller aux WC et boire ». Cette sanction n'avait pas lieu d'être. Saisi par le salarié et la CGT, le conseil de prud'hommes vient de l'annuler en condamnant qui plus est Téléperformance à verser 750 euros au premier.

À l'époque où le délégué du personnel avait défié l'encadrement du centre d'appels, les téléconseillers bénéficiaient de 30 minutes de pause conventionnelle pour sept heures de travail effectif.

Ce temps de repos pouvait être fractionné en deux ou trois séquences au choix de l'employeur. Les superviseurs de téléconseiller ne manquaient pas d'adresser des remarques à ceux qui se levaient en dehors des créneaux horaires prévus pour satisfaire une envie pressante ou se désaltérer.

Pour dénoncer ce climat pesant, le délégué syndical avait pris la liberté de remplir le 15 avril 2010 quatre bons de délégation où il mentionnait qu'il prenait quelques minutes pour se rendre aux toilettes et boire.

Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale, rappelle le conseil de prud'hommes. L'employeur qui conteste l'usage fait des heures de délégation n'a d'autre solution que de se retourner vers le juge judiciaire.

Peut-être mal conseillée et en tout cas peu rompue aux subtilités du Code du travail, la direction de Téléperformance ne l'avait pas fait, préférant infliger un avertissement au syndicaliste qui l'avait narguée. Au motif qu'il détournait l'usage de ses heures de délégation. L'argument vivement contesté par Me Monique Guédon, l'avocate du délégué, n'a pas eu l'air de plaire non plus au conseil de prud'hommes. La société Téléperformance a toutefois la possibilité de relever appel du jugement.

« Caractère d'exemplarité »

« La société Téléperformance interprète l'objet de ce bon de délégation comme étant de pure convenance personnelle en écartant de son propre chef toute présomption de bonne utilisation », relève la juridiction en reprochant à l'entreprise de faire l'impasse sur deux éléments guère contestables. L'existence d'un litige collectif relatif à la prise des pauses et le fait que le délégué syndical avait pris soin de mentionner sur les bons qu'ils étaient adressés à la direction du travail.

Le conseil de prud'hommes y voit la « preuve manifeste de sa volonté de donner à son intervention un caractère d'exemplarité » et de lui conférer une portée collective. Une ambition parfaitement réussie si l'on se fie à la publicité qui a entouré l'audience relative à la pause pipi. Un sujet en apparence bénin mais que les salariés des centres d'appels téléphoniques français n'apprécient pas de voir traiter par-dessus la jambe.