« Bonjour, c'est votre banque... Seriez-vous intéressé par une nouvelle carte de crédit avec débit retardé ? ».

Que ce soit pour un nouveau forfait de téléphone ou une offre de crédit, la démarche des centres d'appels commerciaux est la même : un coup de fil à l'improviste. Les chercheuses Chantal Cossalter et Selma Venco, l'une brésilienne et l'autre française, ont comparé ce métier d'opérateur téléphonique, ou « téléopérateur », dans les deux pays. Elles ont ciblé particulièrement le secteur de la banque, le plus grand consommateur de centres d'appels (20 % du marché des centres d'appels en France).

De chaque côté de l'Atlantique, l'organisation est la même : des plates-formes en ligne, pour un travail hyper rationalisé. Les appels sont composés automatiquement à un rythme précis, un temps maximal est imparti pour chaque communication, et surtout, afin de cadrer la production, les téléopérateurs doivent suivre un script très détaillé. Et c'est dans l'application de ce dernier outil que s'immisce la principale différence de management entre les deux pays.


Au Brésil, le texte se veut attrayant et plein d'empathie avec le client. Il sera ponctué de petits exemples très pratiques de la vie quotidienne pour dénoter une proximité sociale : « Vous voyez, Madame, cette offre ne vous coûte pas plus que le prix d'un œuf par jour. » Les téléopérateurs brésiliens sont également entraînés aux techniques de programmation neurolinguistique (PNL) afin de faire passer plus d'émotion dans la voix. Cependant, cette spontanéité n'est qu'apparente. Ils doivent en fait se tenir scrupuleusement à leur texte commercial : « Il n'y est permis aucune prise d'initiative, aucune autonomie, constatent les chercheuses. En cas d'événements imprévus, c'est-à-dire non incorporés au script, le téléopérateur doit consulter immédiatement le responsable du plateau. » Cette rigidité a pour but de donner une impression de crédibilité et de sécurité au client, tout en misant sur une productivité maximale de la relation téléphonique. Mais elle empêche les téléconseillers d'être eux-mêmes et leur provoque du stress, affirment C. Cossalter et S. Venco. D'ailleurs, les dirigeants l'ont compris et installent souvent, sur les plates-formes, des salles avec des exercices de relaxation et des produits calmants.

Plus cartésiens, les scripts français mettront davantage l'accent sur les arguments et le langage policé. Le texte sera moins précis, et servira surtout de cadre dans lequel les téléopérateurs auront une plus grande marge de manoeuvre. ''« Les banques les considèrent comme des chargés de clientèle plus que comme des vendeurs, comme c'est le cas au Brésil »'', explique C. Cossalter.

« Chargés de clientèle » en France et « vendeurs » au Brésil : des téléopérateurs différents pour un marché lui aussi différent : émergent au Brésil, où les banques sont dans une logique de productivité; saturé en France où prime alors le service à la clientèle.

Source : C. Cossalter et S. Venco, « Les centres d'appels dans les banques en France et au Brésil », Dares, Travail et Emploi, n° 105, janv.-mars 2006.