Travailler dans une même salle avec des dizaines, voire, pour certains, des centaines d’autres personnes ainsi que sous une surveillance de tous les instants, est le lot des téléopérateurs.

Peut-on vieillir téléopérateur ou téléopératrice ? Pourquoi pas. Mais si une telle question se pose, c’est en raison notamment de la forte pression qui règne sur ceux-ci et que bon nombre d’interlocuteurs soulignent.

“ J’ai une fois été contacté par un centre d’appels de la place où j’avais déposé un dossier de candidature. Mais quand mes amis, qui avaient tenté l’expérience, m’ont parlé de la pression qu’ils vivaient au quotidien, je me suis dit que ce métier-là n’est pas fait pour moi ”, explique Meïssa, diplômé d’une école de commerce de la place. Mais, dans un pays comme le Sénégal où le marché de l’emploi accueille quelque 100 000 nouveaux arrivants chaque année, tous n’ont pas la frilosité de Meïssa. Et ce ne sont pas les candidats qui manquent, comme en témoigne la course à l’embauche qui se déroule en ce moment au Pcci.

À près de 28 ans, Seynabou ne s’est pas posé autant de questions à sa sortie de l’université. Diplômée en finances et à la recherche d’emploi, elle a vite sauté sur l’offre que lui proposait un centre d’appels de la place. Quoique satisfaite d’avoir pu trouver du travail, sa hantise permanente est de tomber dans la routine au point d’oublier que son bac+4 devait lui ouvrir un emploi de cadre dans une banque ou une société d’assurance.
Une crainte plus vive encore depuis qu’une de ses anciennes collègues de Faculté, qui exerçait le métier de téléopératrice, a pu trouver un emploi correspondant à son profil universitaire.
Avec la course aux performances, les sources de stress ne sont pas négligeables. Sept heures à passer au téléphone avec des clients dont certains n’acceptent pas les prospections commerciales, n’est pas toujours chose aisée, même si des pauses sont organisées.
Il s’y ajoute qu’il faut veiller, en permanence, à ne pas se faire trahir par son accent naturel et, surtout, ne pas perdre son sang-froid quelle que soit la situation. “ Le sourire s’entend au téléphone, souligne Mme Diouf, formatrice à Center Value. Il faut non seulement de l’empathie et du dynamisme chez le téléacteur, mais aussi ne jamais s’énerver et surtout ne jamais raccrocher à un client au bout du fil parce qu’il est agressif ”.

Pour ceux qui seraient tentés d’oublier cette règle, attention aux contrôles inopinés de la hiérarchie ! Au-delà des résultats à atteindre, le fait de savoir qu’on peut être écouté à tout instant est pesant pour certains employés. “ Ici, c’est la règle. Tout le monde peut être écouté et à n’importe quel moment ”, explique le responsable de la communication du Pcci.

Depuis leurs postes de travail, responsables de production et superviseurs peuvent entrer dans le réseau, cibler n’importe lequel de leurs agents et contrôler en direct la qualité de ses communications. Cela expose-t-il les employés à la crise de nerfs, faute de confiance en eux ?

“ Cela est un motif de pression supplémentaire ”, reconnaît Seynabou.

“ Jusqu’à la crise de nerfs, cela est plutôt rare. Peut-être est-ce possible au début, mais c’est vraiment rare après la période d’initiation ”, explique un responsable de production.

“ La pression est une question d’individus. Objectivement, cela peut motiver énormément ”, analyse, pour sa part, Anne Marie Lanchas, la responsable du recrutement et de la formation à Pcci.

“ Nous privilégions l’esprit maison chez nous et une ambiance de travail conviviale ”, avance, de son côté, El Hadj Malick Seck, le directeur de “ Call me ”.

“ Notre objectif est d’aider les téléopératrices et téléopérateurs à mieux travailler. C’est un métier émergent. Le côté management est donc très important. Ce n’est pas la répression qui est notre objectif en surveillant de près les conditions dans lesquelles les prestations sont faites”, estime Bruno Correct, responsable de la production à “ Center Value ”.

Si les patrons de centres d’appels interrogés sont plutôt rassurants sur la question, la charge de stress est loin d’être un phénomène négligeable. “ Le fait de devoir quotidiennement être mis en compétition n’est pas une chose aisée. Une fois, un de mes amis a préféré abandonner le métier pour aller gagner 100 000 FCfa ailleurs. Il se sentait plus à l’aise dans son nouveau travail, même s’il gagne nettement moins”, témoigne Meïssa, qui jure que personne ne l’y prendra.

“ Le stress est normal chez les jeunes gens qui constituent l’essentiel du personnel des centres d’appels. Ils n’ont pas encore de maturité et suffisamment de réflexes professionnels qui leur permettent de gérer les objectifs de production non stop ”, ajoute Mme Lanchas. Selon celle-ci, avec l’expérience, la pression devient moins pesante.

“ Pour moi, le métier de téléacteur est une bonne opportunité de me faire de l’expérience professionnelle et un peu d’argent. Je crois que c’est surtout intéressant si on a possibilité d’exercer un autre métier après ”, tranche P. Diop, téléopérateur dans un centre d’appels de la place.

Source : Société Sénégalaise de Presse et de Publications (SSPP), dénommée "Le Soleil" éditrice des quotidiens "Le Soleil" et "Zenith"


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